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Christyna Pelletier : une exposition photo éditoriale

 

L’exposition Præter de Christyna Pelletier sera à l’affiche jusqu’au 25 mars dans la salle multifonctionnelle de la bibliothèque. La photographe adopte une approche documentaire éditoriale. Elle nous incite à nous interroger sur notre conception de la diversité. Le mot latin Præter signifie « À côté (de), passant devant, dépassant ». L’exposition nous fait rencontrer des gens marginalisés, que nous côtoyons au quotidien. À cause de leur différence, nous hésitons souvent à les reconnaître comme nos pairs.

 

 

Parcours

C’est au début des années 2020 que Christyna a suivi un cours de photographie au Collège Marsan et qu’elle est devenue photographe professionnelle. Depuis, elle vit de ce métier. Elle fait de la photo commerciale, événementielle et aussi de la photo studio. « On doit faire un peu de tout pour arriver à vivre de la photographie et ça peut nous faire bifurquer. Mais la chose qui m’allume le plus, c’est vraiment la photo documentaire éditoriale. »

Deux bandes photos de la série Præter.      Photo : Bélinda Dufour

Præter et Résilience

Elle débutait lorsqu’elle a créé les séries documentaires Præter et Résilience, mais elle les trouve encore très pertinentes, toujours d’actualité. « Je suis très touchée qu’elles continuent leurs chemins », commente-t-elle.

 

Dans Résilience, ses modèles étaient des voisins, un couple de personnes âgées. Christyna était fascinée par leur détermination à continuer à vivre leur quotidien « à la maison ». Sa série de dix photos est un storytelling. Elle montre leur espace de vie qu’ils voulaient farouchement continuer à habiter malgré leurs limitations physiques. Les photos dévoilent leur intérieur : un ameublement qui a vieilli avec eux. La photo la plus saisissante, et l’une des préférées de la photographe, est celle qui nous montre une main parcheminée et tachetée qui se tend vers un chien âgé, installé sur un vieux divan. Une illustration très prenante de l’histoire de ce couple amoindri, mais avec une résilience à toute épreuve.

la série Résilience.     photo : Lyne Boulet

Dans Præter, Christyna a photographié des groupes d’individus marginalisés à cause de leurs particularités physiques : des gens en surpoids, des personnes âgées, des trisomiques, des gens de petite ou de grande taille, une famille homoparentale, un albinos. On les découvre dans des scènes ordinaires, comme faire l’épicerie pour une petite personne ou aller à la plage pour une grosse personne. Les modèles photographiés vivent ces activités banales différemment, car eux, ils sont sans cesse confrontés au regard des autres.

Félix Lapierre, Christyna Pelletier, Nicolas Courcy. Photo : Bélinda Dufour

Établir un lien de confiance

Pour ce projet, Christyna a effectué un travail qu’elle qualifie « d’un peu anthropologique ». Elle a étudié leur réalité et leur environnement. Elle a eu, avec eux, de nombreuses rencontres et discussions. « Pour traiter de sujets aussi sensibles, je devais arriver à établir un lien de confiance », précise-t-elle. Præter se compose de sept triptyques. Chacun est constitué d’une bande photo horizontale sur laquelle les trois clichés se succèdent. « Chaque photo présente une scène qui, au premier coup d’œil, apparaît ordinaire, explique Christyna, jusqu’à ce que le spectateur les regarde dans leur ensemble. Il découvre alors le message qu’elles portent. »

Félix Lapierre, Christyna Pelletier, Nicolas Courcy. Photo : Bélinda Dufour

Influence et signature

Christyna a également étudié en design de mode et elle a œuvré dans ce milieu durant dix ans. Elle avoue « ce qui influence mon travail artistique, c’est mon background en mode. J’ai essayé longtemps de m’en débarrasser, mais ça me colle à la peau. J’ai cette espèce de sens esthétique depuis que je suis très jeune. C’est comme un désir d’embellir tout ce que je vois dans mon environnement. Quand j’étudiais en photographie, un professeur m’a dit que je pouvais arrimer l’esthétique et l’éditorial. Je trouve ça intéressant de suivre ce sillage. Mes photos ne sont pas choquantes parce qu’on y trouve une esthétique. Mais je les traite de façon éditoriale avec l’objectif de susciter une réflexion ». Pour un artiste photographe, ça peut prendre des années à se forger, ce qu’on appelle, une signature. « Je ne suis pas arrivée où j’ai envie d’être, mais je suis sur un bon chemin. Je fais tranquillement la paix avec cette dualité qui m’habite. »

Un vernissage en cohérence

Le vernissage a eu lieu le 20 février, la Journée mondiale de la justice sociale. « J’ai vraiment apprécié. Ça m’a beaucoup interpellée, car il y avait là une belle cohérence. » Des représentants de deux groupes marginalisés, Éric Lapierre, une personne transgenre et Nicolas Courcy, une personne non binaire, étaient présents au vernissage : deux êtres humains généreux, prêts à s’ouvrir et à parler de leurs réalités. Ils ont accepté de devenir, pour un soir, « disponibles pour consultation », selon la formule de la bibliothèque vivante. « Je ne connaissais pas le concept, précise Christyna. J’ai trouvé ça extraordinaire. Leurs témoignages étaient très pertinents, en résonance totale avec mes photos. »

 

Prochaine série

« J’ai 51 ans, confie Christyna. Malgré les événements éprouvants que j’ai traversés ces dernières années et la difficulté de survivre comme artiste photographe, la résilience est un mot qui m’a portée depuis ma naissance jusqu’à aujourd’hui. » Christyna persistera dans la voie qu’elle s’est tracée. Dans ses prochaines expositions, elle veut continuer à traiter de thèmes de société en présentant des photos à caractère éditorial. Elle travaille en ce moment sur le pouvoir féminin. « En fait, précise-t-elle, ce sera un profil de l’identité féminine, un peu autobiographique, de mon parcours et de la résilience qui s’y rattache. »