« De quel droit? »

Voilà une question que je pose à mes diablotins, lorsque je veux leur faire comprendre la gravité d’une bêtise. Je veux ainsi les amener à réfléchir à ce qu’ils ont fait, au-delà de la remontrance.

  • « De quel droit t’es-tu permis de prendre ton crayon-feutre pour écrire sur ma table en bois? Une table que j’aime et qui m’a été donnée par votre grand-papa? »
  • « De quel droit jettes-tu tes papiers de bonbons par terre? Dans notre maison? Qu’est-ce qui te permet de croire que ce n’est pas à toi d’aller le mettre à la poubelle, mais à moi? »
  • « De quel droit te permets-tu de juger ton ami, en lui disant que la chanson qu’il écoute est plate? Qui es-tu pour critiquer ce qui fait battre son cœur et lui procure une émotion? »

 

Une question légitime

J’ai toujours trouvé qu’il s’agissait d’une question légitime qui vise à remettre les pieds sur terre. Ça vaut pour un enfant que l’on éduque à ne pas se croire roi de la maison. Ça vaut aussi pour toute personne ayant la fâcheuse tendance à s’imaginer au-delà des règles et des lois. De mes petits princes tendrement réprimandés, mon regard se tourne vers les « maîtres de l’univers » : présidents, ministres, dictateurs, souverains, patrons, etc. (Oui, je sais, j’ai tout mis au masculin sachant pourtant que la gent féminine est également représentée dans cette catégorie.)

  • De quel droit osent-ils déporter, attaquer, ridiculiser, bousculer, assassiner et blesser?
  • De quel droit décident-ils du sort de millions d’individus et du destin de la Terre?
  • De quel droit jouent-ils avec les frontières?

 

L’ombre d’une réponse me fait frissonner. Ces individus à l’aura « si supérieure » ont été élus. Par leur peuple, par leurs lois ou par leurs dieux. Trop souvent, aussi, ils ont été nommés; par des amis, par des alliés. Ils sont ainsi protégés et craints tout à la fois. Leurs fortunes créent un fossé et les préservent de vérités qu’ils préfèrent ignorer. Il est plus grandiose de préparer son voyage sur Mars que de sauver de la misère de simples citoyens…

 

L’Humanité semble n’avoir rien appris

Je ne comprends pas tout de la politique et suis bien ignorante de l’Histoire; cependant, je me désole que mes enfants ne puissent voyager à leur guise, un jour prochain, dans des pays qui furent sans doute jadis magnifiques. Certains pays ont-ils toujours été ravagés ou corrompus? L’Humanité n’a-t-elle pas appris que les conflits ne font que précipiter la Vie vers son trépas? Chaque religion et chaque peuple n’ont-ils pas de superbes décors, d’incroyables traditions ainsi que d’inspirantes anecdotes et morales?

  • De quel droit une poignée d’hommes et de femmes ont-ils tiré un trait, annihilant « l’existence », pure et simple?
  • De quel droit se croient-ils permis de juger la valeur de la Vie?
  • De quel droit, comme adulte et décideur, enlevons-nous à nos enfants leur besoin fondamental d’être aimé et protégé?

L’Humanité semble n’avoir rien appris. Après de grandes guerres et d’innombrables conflits, elle poursuit son déclin, se cloisonne, se méfie, s’injurie et s’accuse.

 

Entre le pouvoir et l’espoir

De ma maison, dans ce pays encore libre de penser et d’agir, où le ciel est bleu et les saisons nous font sourire, je me sens impuissante face aux désastres. Je devrais me sentir responsable de quelque chose, car je fais partie de l’Humanité. En même temps, je vends des croissants et du café : je doute qu’un président ne m’écoute. Pourquoi le ferait-il, déjà? Moi qui n’aurais aucune solution à proposer, moi qui m’y connais si peu. Qui suis-je pour imposer ma pensée à ces êtres si « grands » et importants? Yves Duteil le chante si bien : « Je n’ai pas l’ombre d’un pouvoir, mais j’ai le cœur rempli d’espoir. » En fait, humblement je pourrais avancer que mon unique pouvoir est le bonheur de ma famille. Microscopique, ce pouvoir fera peut-être un jour un miracle, s’il est partagé par tous les parents du monde entier. Ensemble, nous pourrions leur demander, au nom de nos enfants : « De quel droit? »

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