Gérard Thériault lors de l’une de ses trois assermentations comme maire.
Crédit photo : Famille de Gérard Thériault
Lorsqu’implication, longévité et partisanerie pigmentaient la vie politique hippolytoise
Novembre au Québec s’amorce cette année avec des élections municipales. Loin des épisodes épiques d’affrontement du passé, beaucoup de candidats sont déjà élus sans opposition. Le désintérêt pour l’exercice démocratique est grand. C’était pourtant tout autrement à Saint-Hippolyte, autrefois.
Bruno Laroche, maire de Saint-Hippolyte quitte après 24 ans d’implication politique, dont 12 années comme maire, soit trois mandats consécutifs. Remarquable longévité des maires hippolytois en ces temps actuels sachant que le dernier maire réélu trois fois à Saint-Hippolyte a été Gérard Thériault de 1963 à 1971.1
L’histoire de ces maires acceptant une charge importante de responsabilités et de cette seule mairesse, Huguette Blondin-Taylor (1981-1985) montre que beaucoup étaient déjà impliqués auparavant auprès de la communauté. La plupart étant souvent motivés par une quête particulière qui les a menés graduellement sur la scène politique.
Autour de la table du maire Gérard Thériault, des Hippolytois impliqués dans leur milieu : Wilfrid Léonard, Rodrigue Fréchette, Lucien Watier, Jean Tarte, Jack Shea, André Thibault. De dos, le secrétaire-trésorier Fernand Dagenais et son assistante Juliette Duvauchel, 1963. Crédit photo : L’Avenir du Nord
Implication
Autrefois, dans une municipalité en développement, il y avait place partout à l’implication : école de rang, école centrale et commission scolaire, chapelle, paroisse et son conseil de fabrique, organisations de lac, sportives, communautaires et même création d’activités municipales. La Bolduc aurait pu composer une chanson en turlutant : « C’est le début d’un temps nouveau […] la “municipalité” est à l’année zéro. » De plus, parmi les témoignages recueillis, on retrouve souvent le même nom de personnes impliquées partout. Un des exemples est sans doute les membres de la famille Coursol du lac de l’Achigan.
De chaque côté du maire Gérard Thériault, au centre, des hommes impliqués dans leur milieu. À gauche, Gérard Wilson, Robert Renaud, le maire Gérard Thériault, André Beausoleil, René Racine et Fernand Dagenais, secrétaire-trésorier. 1963.
Crédit photo : Gérard H Lachapelle, L’Avenir du Nord
40 ans de règnes en politique municipale
Dès les débuts de Saint-Hippolyte, Pierre-Octave Coursol, le pionnier, est impliqué. Il est parmi les huit premiers syndics de la paroisse naissante (1864). Ses descendants, Octave son fils, tout comme Octave son petit-fils, occupent comme lui durant près de 40 ans, des rôles importants sur la scène municipale2. De 1868 à 1908, ils sont élus au conseil des échevins3 où on leur confie à tour de rôle la charge de maire.4 Durant leur règne et en fonction des décisions prises en lien avec les membres du gouvernement provincial en place, l’économie de la municipalité, à cheval entre activités agricoles, foresterie et villégiature, connaît une grande expansion. « Trois scieries à vapeur, écrit leur contemporain A.B. Cruchet,5 fournissent un travail rémunérateur à une centaine de paires de bras. Des centaines de touristes viennent passer leurs vacances autour des lacs grâce aux chemins ouverts par les subsides reçus du gouvernement sous l’égide des administrateurs municipaux. Ils versent dans les goussets toujours ouverts des cultivateurs, des milliers et des milliers de dollars. »
Les membres du conseil municipal sont bien en vue lors de l’allocution de Léopold Nantel, maire de Saint-Jérôme à deux reprises entre 1929 et 1952. Ce dernier vient appuyer le candidat de l’Union Nationale, Joseph Léonard Blanchard qui a été député de 1944 à 1960 dans le comté de Terrebonne.
Crédit photo : André Dagenais
Les Coursol, des hommes de confiance
« Personnes de haute stature, ils imposaient par leur taille, leur présence et leur humour joyeux, écrivait A. B. Cruchet, concitoyen et chroniqueur journalistique. Tout porte à croire que les membres de cette famille qui font face, comme leurs concitoyens aux mêmes défis de survie, sont les plus en mesure de prendre des décisions éclairées dans la gouverne de la jeune municipalité. De ce fait, lorsqu’ils se présentent comme dirigeant, ils ont la confiance de leurs électeurs. » 6
Partisanerie bien présente
Cette époque est celle aussi où les politiciens fédéraux comme provinciaux s’immiscent dans les élections municipales. « Pour obtenir des subsides, arguent les politiciens en cabales durant une élection municipale, il faut élire ceux qui votent du bon bord, sous-entendant ici ceux qui leur sont affiliés.
À Saint-Hippolyte, les conseillers municipaux sont même bien en vue lors d’assemblées politiques. Certains y prennent même la parole pour appuyer ouvertement le candidat du parti qui leur sera le plus profitable. Les curés font de même en chaire sous les directives de leur évêque. Certaines familles sont bleu de père en fils, d’autres rouge. Les vire capot ou marié du mauvais bord se retrouvent soit, sans octroi de lots à bois des compagnies forestières que favorise le parti conservateur (bleu) ou de contrat d’ouverture de chemins de colonisation que subventionne le parti libéral (rouge).
- Début du régime municipal 1833, durée des mandats 1 an, 1871, 2 ans, 1944, 3 ans et 1968, 4 ans. Ministère des Affaires municipales et de l’habitation. Source : Site Québec, Élections municipales.
- Selon les relevés de Richard Dupont et Daniel Labelle en novembre 2007, au cimetière de Saint-Hippolyte aucun monument n’indique la présence de membres de la famille Coursol. Selon le registre paroissial, Pierre Coursol y a été exhumé en 1907. Source : Cimetière du Québec.
- Échevin : ancienne appellation chez les Canadiens français du régime seigneurial français pour désigner un magistrat.
- De 1833 à 1908, les membres du conseil municipal décident entre eux celui qui portera la charge de maire. C’est en 1908 à Montréal que le maire Jean-Georges Garneau a établi un vote populaire pour l’élection du maire. Cette façon de faire a ensuite été adoptée par les autres municipalités.
- Alfred Benjamin Cruchet, L’Avenir du Nord, 10 mai 1907, page 1.
- Ibidem.