L’atmosphère régnant, à la suite à l’élection d’un nouveau pape, en voyant déambuler de nombreuses calottes rouges réunies à Rome m’a rappelé une histoire de famille, une histoire de monseigneur et de religiosité.
Dans ma famille, nous étions cinq enfants et vivions sur une ferme laitière. Bref, nous étions des fils et filles d’agriculteur. Après avoir fréquenté l’école de rang de ma paroisse jusqu’à ma cinquième année du primaire, j’ai poursuivi mon éducation à Saint-Eustache en voyageant matin et soir en autobus par la « Provincial Transport ». À mon arrivée à Saint-Eustache, aux yeux de mes nouveaux camarades de classe, je n’étais pas un fils d’agriculteur, mais un fils d’habitant. Dans le regard des gens de l’époque, le mot « habitant » était péjoratif et sous-entendait que nous étions des incultes, des gens peu évolués. Cette réalité ne m’a toutefois pas affecté.
Mon père était originaire de Saint-Augustin (Mirabel), alors que ma mère avait habité Charlevoix sur le chemin menant aux Hautes-Gorges de la rivière Malbaie. Nos deux familles étaient fort différentes. Chez nous, il n’y avait pas de vocations religieuses. On récitait le chapelet avec le cardinal Léger, nous allions à la messe et à la confesse, mais nous étions ce qu’on appelait à l’époque des catholiques à gros grains, on n’abusait pas des prières.
Du côté de ma mère, les familles étaient nombreuses, ma tante la plus âgée avait eu treize enfants. J’ai un cousin, Clément Harvey, curé à l’Anse Saint-Jean et un autre, évêque de Valleyfield, sans compter un autre cousin particulièrement fervent. Rappelons-nous qu’à l’époque, avoir un prêtre ou une religieuse dans la famille était particulièrement bien vu et valorisé. Un portrait fidèle, une véritable fresque d’époque, a fait l’objet il y a quelques années, d’une série télévisée Le temps d’une paix où le curé du village, le curé Chouinard, était personnifié par le comédien Yvon Dufour. Ce dernier avait d’ailleurs sa maison secondaire à cent mètres de mon oncle, le père de l’évêque de Valleyfield, Mgr Noël Simard.
Une grande réunion de famille
En écrivant ces lignes, je découvre un peu ma plus jeune sœur. Je l’ai d’ailleurs moins connue, alors qu’elle avait 12 ou 13 ans, j’étudiais à l’Université Laval et j’avais quitté le nid familial. Il y a une dizaine d’années, ma jeune sœur, Marie-Chantal, habitait Saint-Hyacinthe, sur une vaste propriété. Chaque jour, en cultivant ses fleurs et son jardin, elle avait l’habitude de chanter, un peu comme quelqu’un qui chante sous la douche. À proximité de sa résidence, sur le terrain voisin de sa propriété, se trouve un couvent de religieuses. Ces dernières, tout en se prélassant dans une balançoire, entendent jour après jour, chanter ma sœur jusqu’à ce que l’une d’entre elles traverse la clôture et lui propose de se joindre à la chorale de la cathédrale de Saint-Hyacinthe. Après réflexion, quelques répétitions et des cours de chant, elle acquiesce à la proposition. Aujourd’hui, elle en est à sa troisième prestation à la Maison symphonique de la Place des Arts.
Une gaffe savoureuse
Les années passent, et un jour, Marie-Chantal décide de réunir chez elle, les deux familles, Charlevoix et Saint-Augustin. À cette occasion, je retrouve les cousins et les cousines que je rencontre rarement vu l’éloignement. Mgr Simard, mon cousin, invite Mgr Lapierre, évêque de Saint-Hyacinthe, devenu familier avec Marie-Chantal, ainsi que notre cousin, curé de l’Anse Saint-Jean au Saguenay. Bref, il y avait du curé au party. Ce jour-là, je m’étais fait accompagner par une amie, peu familière avec ma famille. Au cours de l’après-midi, je présente Françoise à Mgr Lapierre et comme il se doit, le Mgr lui présente une main ornée d’une grosse bague d’évêque. Cette dernière, sans doute encore imprégnée des rites et des traditions du passé, alors qu’il était de mise de baiser la bague, lui lance naïvement à la figure, « est-ce que je dois vous baiser? ». Il va s’en dire que Mgr a été à la fois surpris et secoué. Comme disait Tex Lecor dans une de ses chansons : « Y’a avalé l’saint sacrement ».
Au terme de ma réflexion, sur le passé, une question s’est imposée au fils d’habitant dont je suis, à savoir : le passé est-il toujours garant de l’avenir? Je suis encore un habitant, et parlant d’habitant, je m’accommode très bien du « Go Habs go ». Rappelons-nous que ce dernier a récemment fait l’objet de critiques sur nos ondes par sa formulation à l’anglaise. Comme le disait mon curé, c’est avant tout un cri de ralliement et de fierté et « au diable les chiqueux de guenille! ».
                        

