Le besoin de s’épivarder, de manifester au coude à coude ensemble en chantant pour une cause fait partie de la nature humaine.
Voici des extraits de l’histoire de Camille Beaulieu, né à Piedmont en 1859, qui ouvre son premier hôtel à Saint-Sauveur en 1882.
« L’été, il y avait quelques voyageurs de commerce qui venaient ; ils ne restaient pas longtemps ; ça coûtait un dollar par jour pour le coucher et les trois repas… Une fois, mon père, qui avait l’hôtel sur la rue Principale (Saint-Sauveur), avait été obligé d’aller à la réunion du conseil municipal parce qu’il y avait une plainte contre lui. Le curé Desjardins avait “appointé” des jeunes pour que mon père leur vende un flacon de gin. Mon père avait payé une amende de 125 $. C’était de la “grosse argent” dans ce temps-là. Plusieurs fois par la suite, le curé a voulu prendre mon père en défaut, mais, une fois, le curé avait dit des paroles de trop et c’est lui qui avait payé une amende de 25 $. Mon père n’était pas homme à se venger, mais trop, c’était trop. Si le curé Desjardins avait réussi à faire payer trois amendes à mon père, il aurait réussi à lui faire perdre sa licence. »
« Le curé Desjardins était un apôtre de la tolérance, mais il était trop sévère. À tous les hommes, il avait donné une croix de tempérance pour pendre dans la maison. Il leur faisait faire des processions dans le village avec la croix de la tolérance et leur disait : “Quand vous passerez devant l’Hôtel Beaulieu, criez fort qu’il soit maudit en enfer”. Il avait tellement bouleversé la paroisse que les femmes sont devenues folles. Un dimanche que papa était à la messe avec ma sœur Berthe, il avait été obligé de sortir, car le curé disait en chaire : “Vous voyez! La fille de l’hôtelier se promène avec de belles petites bottines jaunes et les enfants de cultivateurs n’en ont pas eux”. »
Source
La source de l’extrait de ce témoignage vient de Cyprien Lacasse dans Nos anciens se racontent, Souvenirs de M. Hervé Beaulieu écrits dans Cahier d’histoire, no 9, février 1981. Société d’histoire des Pays-d’en-Haut, pp. 22-23. Cité par Michel Allard dans son livre de 2017, Le cœur des Laurentides. La SHPH est devenue la SHGPH.
Une initiative brillante
La fin du XIXe siècle a connu les fameuses « Ligues de tolérance » et les Lacordaire, sorte de police politique des bonnes mœurs. Les gens des Laurentides et surtout ceux de Saint-Sauveur et des Pays-d’en-Haut sont bien chanceux que des témoignages signifiants des anciens, aient commencé à être enregistrés en 1981, par la SHPH, il y a plus de 44 ans. Une initiative brillante. Cela démontre l’importance de raconter les grands événements, qui nous élèvent au-dessus de la vie ordinaire en racontant le vécu des individus, femmes, hommes, enfants.
Cette belle histoire démontre les dangers de voir une idéologie, dans ce cas-ci la religion catholique, contrôler totalement la vie des citoyens. Ce qui est arrivé à Saint-Sauveur nous force à réfléchir sur les besoins grégaires qu’ont les humains de se rassembler autour d’une cause, d’échanger « sur les cléons des clôtures » (Vigneault) et de fraterniser. N’est-ce pas ce que, en 2020, le Virus de Chine, la pandémie et le confinement ont souligné d’une manière négative, en embarrant, comme dans une prison, les ainés dans les RPA et les CHSLD, en les privant de presque tout contact humain?