Plus que trois dodos

Les origines du calendrier de l’Avent seraient germaniques, fin XIXe siècle. Il n’est donc pas d’hier que les enfants puissent découvrir une surprise derrière l’une des vingt-cinq petites portes, afin de les faire patienter jusqu’à Noël. Le calendrier rempli de confiseries, quant à lui, fit son apparition, fin des années 50, remplaçant les images pieuses de l’ancien temps. Chaque pays s’empara ensuite de l’objet pour le garnir à son goût : babioles, bonbons, parfums… Cependant, la signification du calendrier de l’Avent demeure la même, peu importe de quoi il est fait : apprendre aux enfants la patience.

 

On s’entend : pour mes enfants, Noël est le point culminant de toute l’année. L’objectif. Le jour suprême. Peut-être même davantage que leur propre fête. Parce que Noël ne se fête pas uniquement pendant une journée. C’est presque deux mois de festivités, jusqu’après l’Épiphanie. Leur anniversaire est vite arrivé et vite passé. On gonfle les ballons la veille, ils se dégonflent le lendemain, les restes du gâteau dans le frigo et hop! On passe à autre chose.

 

Mais Noël, ça commence vers le 10 novembre.

  • Maman…? Quand est-ce qu’on monte le sapin?
  • Demain, mon cœur.
  • On pourra boire du chocolat chaud extra guimauves? Et écouter Le Grinch?

 

C’est alors le début de l’attente. D’abord laver la maison au complet, avec des enfants qui aident pendant vingt minutes, pour ensuite manquer d’énergie et geindre que « c’est lloooonnnngggg ». Après, ranger tout le superflu sur les meubles. Ensuite, sortir les cartons de décorations. Se souvenir où on a mis le sapin l’an dernier, parce qu’il n’est pas en dessous de l’escalier comme on croyait… Installer un plus petit sapin que les enfants pourront décorer selon leurs envies avec les vieilles boules en plastique et les bricolages collectionnés au fil des ans, alors que le gros sapin, lui, est réservé aux ornements plus dispendieux ou qui ont une signification spéciale.

 

La question récurrente que je commence à entendre dès, que le sapin est allumé est :

  • Maman…? C’est dans combien de dodos, Noël?

Une question revenant de deux à sept fois par semaine. Et c’est là, autour du 28 novembre, que je commence à avoir hâte de leur donner leur calendrier de l’Avent. Pour qu’ils fassent eux-mêmes le calcul!

 

Un jour à la fois, les enfants sont témoins des préparatifs. Sans que l’on s’en rende compte, ils nous écoutent parler de la neige qui se fait attendre, du menu du réveillon, des invités pour le Jour de l’An, des beignes aux patates qu’on voudra cuisiner, de la nouvelle recette de dinde qu’on veut essayer, des lumières à installer à l’extérieur… Puis soudain : ils s’aperçoivent avec une pointe d’hystérie que les bas suspendus à la cheminée sont plus dodus que la veille.

  • Maman! Papa! Il y a des cadeaux dans les bas!
  • Interdiction d’aller regarder dedans!

 

Oui, sans le savoir, on ouvre de petites portes invisibles devant leurs yeux ébahis, contribuant à une attente de plus en plus fébrile. On pourrait fort bien ne pas se plier à cette coutume mercantile du calendrier de l’Avent; mes enfants n’ont absolument pas besoin d’une dose quotidienne de chocolat. Cependant, ce qui me plaît, c’est ce symbole fort de l’attente, de l’espoir, de la hâte. Et pas que pour les enfants! Les adultes aussi doivent apprendre à patienter! Nous sommes dans une ère où tout est disponible, tout le temps, tout de suite. Et si on apprenait à nouveau la joie de succomber à un plaisir, après l’avoir attendu pendant quelques semaines?

 

J’ai pour exemple : le bonbon aux patates et le sucre à la crème. Dans ma famille, ces confiseries ont toujours été confectionnées par les mains expertes des grand-mamans pour le temps des Fêtes. C’est une tradition. Cohabitant avec ma douce petite maman, il arriva qu’elle me propose, en plein été, de me préparer du bonbon aux patates. Que nenni! Hors de question de céder! Le bonbon aux patates, ça se mange à Noël. Et peut-être aussi deux semaines avant, mais pas en juillet!

 

Finalement. Lorsque l’école est désertée pour deux semaines, qu’il y a un tapis de neige dans la cour, que les enfants ont le cœur gonflé à bloc et la tête bouillante de projets, que l’heure du coucher n’importe plus, que maman et papa sont plus amoureux que jamais, mes enfants ouvrent la porte numéro 22 et mangent leur chocolat.

  • Plus que trois dodos maman?
  • C’est ça mon cœur. Trois dodos.

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