Pour cette chronique, je vais délaisser mes sujets de prédilection : le monde des affaires et la bonne bouffe. Je vais plutôt m’attarder à un dilemme auquel mon cœur de maman est confronté.
Mes enfants, tout comme papa, sont adeptes de jeux vidéo. Avec le temps, j’ai bien compris ce que les experts en disent et nous réussissons à trouver un équilibre entre cette activité et d’autres, plus « physiques ». Ils jouent dehors, ils dessinent, ils bricolent, bref, le jeu vidéo n’est pas, en soi, un enjeu. Mais ajoutons les jeux de rôles lorsque les enfants se costument en super héros de Marvel, en plus de tous les scénarios qui mettent en scène les trois mille figurines de super vilains (toujours de Marvel ou de DC Comic) qui jonchent le sol de leur chambre : ça commence à faire beaucoup de bataille dans la maison.
C’est une violence anodine, accessoirisée de fusils jouets qui lancent des projectiles en mousse et de fusils à eau. Des batailles épiques imaginaires qui apprennent inconsciemment les notions de Bien et de Mal. Nos aïeuls jouaient aux cowboys et aux Indiens. Aux soldats. Les enfants, de tous les temps, ont toujours joué à la guerre. Pourtant je ressens un malaise chaque fois que j’assiste à des batailles entre mes trois chérubins. Parce que tout tourne autour de jeux et de jouets violents. Ils simulent des explosions. Ils se repoussent à coup de haches fictives et des mitraillettes invisibles. Ils se chassent, se rattrapent, et au final, ils en rient.
Je veux bien : ils testent leurs limites, se développent des aptitudes de coordination et d’anticipation, apprennent la confiance, etc. Je suis d’accord : se mesurer aux pouvoirs surnaturels de la petite sœur avec une épée en liège ne va pas faire de mon fils de 8 ans un psychopathe ou un dément. Mais à petites doses, insidieusement, la violence enrobe les actions et les réactions de mes enfants. Il m’appartient donc de leur apprendre à faire la part des choses : il y a le jeu avec les zombies et les extra-terrestres, puis il y a les vrais conflits qui surviennent entre eux et leurs amis. Je tente de leur faire comprendre que tout ne se règle pas d’un coup de fusil. Ouf.
Mes enfants n’ont jamais été confrontés à une véritable violence. Ni domestique, ni sociale. Pour eux, elle n’existe que dans leurs jeux. Bien entendu, j’en suis heureuse. Pourtant la Vie les rattrapera bien assez tôt en leur exposant les horreurs qui sévissent dans d’autres maisons, dans d’autres pays. Pour l’heure, ils ne sont pas en âge d’entendre une explication rationnelle sur la Russie envahissant l’Ukraine ou sur les petits Gazaouis terrorisés. Mais dois-je pour autant banaliser ces élans de barbarie enfantins? Dois-je trouver rigolo que mon petit bonhomme envoie valser son ours en peluche dans le mur trois fois de suite :
- Pourquoi tu lui fais ça?? Qu’est-ce qu’il t’a donc fait?
- Il me doit de l’argent!
- Hein? Quoi? Mais! Mais! Misère. Il a forcément entendu ça quelque part!
J’avoue que, sur le coup, j’ai éclaté de rire. Mais ensuite, j’ai eu comme une stupeur. Je tente donc de relativiser. Mes enfants ne sont pas sadiques, ils ne font pas la guerre à de « vraies » personnes. Il n’y a aucune notion de racisme, de sexisme ou d’homophobie dans leurs saynètes. Ils évoluent dans le monde des superhéros et veulent sauver l’humanité. Généralement, le méchant est un vilain célèbre comme Docteur Octopus, ou une armée de morts-vivants, ou des robots mutants… Alors je me dis que tout va bien et qu’au final, j’ai bien de la chance qu’ils nous défendent contre tous ces monstres. L’humanité peut dormir en paix.
En terminant ce texte sur une note si légère, je me demande toutefois où se situe l’équilibre, l’acceptable, le justifiable. Suis-je dans le déni? Soupir.