Le samedi 26 avril, Diffusions Amal’Gamme nous offrait à Prévost, en la salle François-Xavier, un concert pour le moins inhabituel, tant pour l’interprétation que pour l’instrument porteur du phrasé musical. L’artiste néerlandais Thorwald Jorgensen a servi une performance inouïe, avoisinant la prestidigitation, côtoyant la magie harmonique des sons, à l’aide seulement de ses deux mains et dix doigts.
Un instrument étrange hors catégorie
À l’origine de cette prestation désarmante se retrouve un instrument insolite, le thérémine, conçu en 1920 par le Russe Léon Theremine. Un peu l’ancêtre des instruments électroniques d’aujourd’hui, il comporte un boîtier électronique, muni de deux antennes qui contrôlent la hauteur de la note et le volume sonore. Le tout sans que la main ni les doigts ne touchent l’appareil. L’interprète active, manipule le champ électrique par le mouvement finement maîtrisé des doigts et des mains, en faisant varier la distance et le mouvement vibratoire des dites mains et des dits doigts. Le résultat, une monodie bien ficelée, associée à la voix humaine et à la scie, et pourquoi pas l’égoïne, musicale. L’apprentissage de l’instrument est plutôt autodidacte et solitaire, car il est lié à la morphologie particulière des mains et doigts de chaque musicien.
Au-delà de l’étrangeté de l’instrument, le musicien, accompagné au piano par Jean Desmarais, a présenté des pièces variées, allant de Vocalise (1912) de Rachmaninov, Sérénade mélancolique (1875) de Tchaïkovsky à des morceaux de compositeurs latino-américains, tels que Estrellita (1912) de Manuel Maria Ponce, et (clin d’œil à Jean-Sébastien) l’Aria no 5 des Bachianas Brasileiras de Villa-Lobos. Il y est même allé d’une de ses compositions, nous transportant en bord de mer, imitant à la perfection le bruit des vagues heurtant le rivage et les cris des goélands. L’effet était bluffant, on se serait cru volontiers le long de l’océan. Et que dire de la virtuosité à rendre la voix et le chant des oiseaux, le rossignol en tête. Les trilles étaient servis à souhait.
En rappel, pour conclure le spectacle, une œuvre de Camille Saint-Saëns, Le Cygne, treizième mouvement extrait du Carnaval des animaux. Facile d’imaginer l’élégant volatile paradant sur l’eau de l’étang et conscient de sa beauté et de sa grâce. En véritable champ-ion électrisant, l’instrumentiste a fait montre d’un contrôle parfait et affiné de son outil, le courant circulait dans l’air de l’enceinte de la modeste église plurifonctionnelle.
L’auditoire a été conquis, étonné, sidéré par la dextérité, la finesse et la maîtrise indéniables affichées par le musicien tout au cours de la soirée. Monsieur Jorgensen s’est également prêté à une période de questions et réponses permettant au public mélomane d’apprivoiser cet instrument plutôt hors catégorie.