Images de La Bolduc, du film et celle de Mary Travers, dit Madame Édouard Bolduc, en 1936.

Le film La Bolduc, présentement dans nos cinémas, porte un regard très humain, sur la trop courte vie de la Gaspésienne, Mary Travers dite La Bolduc, auteure-compositrice et pionnière de la chanson québécoise des années 30. À cette époque, comme aujourd’hui, la joyeuse farandole de ses« turluteries » nous fait taper du pied.
Campé dans un décor d’époque remarquable pour un budget de 5,7 M$, l’habile réalisation et direction artistique de François Bouvier et du scénariste Frédéric Ouellet nous font assister, durant près d’une heure trente, à la vie des familles ouvrières montréalaises qui se débattent dans le marasme de la crise économique de 1929 et de la période de Grande Dépression qui a suivie.
Sociologie et politique
Ce film est plus qu’un simple portrait de la vie d’une artiste populaire qui a marqué (et marque encore !) la musique dite « trad » et le monde du spectacle burlesque. Ces créateurs ont tissé une trame narrative où, dans cette courte carrière artistique de 20 ans, La Bolduc brise le schéma traditionnel de l’autorité du chef de famille alors omnipotente et, dans un subtil parallèle politique avec le mouvement de revendication du droit de vote des femmes, y contribue, selon ces créateurs. Avec cette lecture, les paroles de ses chansons, les scènes du film sur les relations houleuses du couple et sur l’autorité familiale fragilisée par l’absence ou les « flashs visuels » d’actions de femmes paradant pour revendiquer un droit de vote, deviennent miroirs réfléchissants, des enjeux de cette société.

Acteurs convaincants
Le choix judicieux et la performance remarquable des acteurs contribuent grandement au bonheur que dégage cette production visuelle. Debby Lynch-White dans le rôle de Madame Édouard Bolduc impose autant par l’habile utilisation de son physique, à l’image généreuse de celui de La Bolduc, que par une attitude résolument positive. Cette jeune actrice exprime dans un jeu vrai, la bonhomie d’une migrante gaspésienne à Montréal, armée d’un optimisme inaltérable et héritière de richesses musicales familiales. Elle tirera profit de sa débrouillardise et de sa créativité musicale pour élaborer son répertoire de « turluteries » moqueuses en s’inspirant des situations cocasses et amusantes de son quotidien de mère au foyer qui permettra à sa famille de sortir de la misère. Il en va de même pour Émile Proulx-Cloutier dans le rôle tout en nuance du mari humilié qui est, honteusement, dans l’impossibilité de gagner la vie de sa famille et qui sombre dans une dépression alcoolisée et de Rose-Marie Perreault jouant leur fille Denise qui tour à tour est témoin de la vie de sa mère, complice dans son succès et rebelle, malgré tout, face à son autorité.

Reconstitution historique de qualité
Cette œuvre cinématographique marquera sans doute le cinéma, car les créateurs ont pris grand soin de reconstituer des scènes et des décors qui présentent avec beaucoup de détails, la vie montréalaise des années 1920 à 1940. Costumes, accessoires, décors extérieurs et intérieurs, rues et commerces et surtout scènes de fêtes familiales, où malgré l’exiguïté de la maison, musique, danse et joie de vivre explosent. Rien n’est laissé au hasard. Même un parcours dans un tramway de Montréal apparaît réel, grâce à la magie des effets visuels.
Suffragettes de Thérèse Casgrain
Clin d’œil vrai ou hypothétique, la présence des actions militantes des suffragettes de Thérèse Casgrain dans le film et l’improbable échange entre elle et Denise, la fille de La Bolduc, campe pour les créateurs, une similitude dans la démarche parallèle de ces femmes pour changer le statut de la femme. Si La Bolduc affirme sa fierté comme femme à collaborer pour gagner la vie de la famille et garde, malgré tout, confiance au gouvernement, Thérèse Casgrain rêve de le changer !